Attention travail

Lecture pour comédiens et violoncelle

« Qu’est-ce qu’on attend pour mettre des singes sur ces machines ? Moi je proposerais ça à Agnelli : les singes à l’usine et les ouvriers dans les arbres. Quelquefois, j’ai l’impression que nous sommes plus bêtes que des singes. »
Tommaso Di Ciaula – « Tuta blu » (bleu de travail)

Voix Dominique Chénet, Patrice Lattanzi
Musique : Françoise Basset

« Les hommes qui aujourd’hui tiennent dans leurs mains la réalité, qui endurent le choc de la pierre qui tombe et de la machine qui éclate, sont des poètes à bouche close. Une harmonie tragique est dans leur souffrance inconnue.
Leur peine précède la lumière. Ils viennent dans l’heure émue où il va faire jour. Leur piétinement monte dans l’usine aux transmissions immobiles. Le geste accoutumé du machiniste tâte les écrous serrés au dernier fil. C’est l’heure. Le départ lent de la bielle étale sur la glissière blanche l’huile blonde. Le volant dévide ses câbles sur ses rayons qui s’accélèrent, grands bras lancés comme à saisir un idéal inatteignable. Les métiers marchent. Et le bruit du travail semble dans le matin candide, le bourdonnement d’un insecte aux ailes noires.
Qui dira le paradis perdu de cette humanité ? »
Pierre Hamp, Les métiers blessés, 1919
Au-delà du simple témoignage, les écrits d’ouvriers apportent, bien souvent, un éclairage particulier, voire singulier, sur la relation au travail et sur le monde industriel.
S’ils sont généralement l’expression d’une réalité laborieuse et d’un ancrage dans le quotidien, ils ne sont pas pour autant dénués de sensibilité, d’humour et de poésie.
Romans, chroniques, journaux, manifestes… l’expression ouvrière revêt un caractère multiple recouvrant une bonne partie des aspects de la création littéraire.
C’est en prenant appui sur cette diversité que les acteurs de la compagnie Cœur d’Art & Co (deux comédiens accompagnés par une violoncelliste) s’efforceront de créer avec les mots, les notes et les sons l’environnement propice à l’expression de l’humanité ardente qui émerge de cette littérature.
C’est en traversant les époques mais aussi en juxtaposant le concret et le poétique qu’ils tenteront de faire résonner quelques unes de ces « Voix d’en bas » qui, hésitantes parfois, porteuses d’espoirs souvent, sincères toujours (on donne sa propre vie en exemple), ont, au fil du temps et de l’évolution de la relation au travail, puisé leur ferveur et leur pertinence au plus profond de la mémoire du peuple.

Photos