Spectacle jeune public à partir de 7 ans
Dispositif scénique autonome intégrant le spectateur
Création 2015.
Nous sommes pleins de l’enfance, celle dont on dit qu’on ne guérit jamais ; elle a pour une large part contribué à faire de nous ce que nous sommes.
Soit. Mais au-delà de ces lieux communs, quelles traces « concrètes » en gardons- nous ? Quelle est la nature des souvenirs que nous en avons, à travers le double filtre de la mémoire et du temps ? Pour Emma, ce sont des couleurs finement nuancées ou, au contraire, violemment contrastées. Emma-adulte comme sûrement Emma-enfant ont d’abord ce même désir de voir à la manière d’un peintre, c’est-à-dire en recréant le réel avec une évidente jubilation. Il y a des sons, bien sûr, des paroles, des parfums, mais ils sont souvent ténus, épars, légers et comme en arrière-plan.
Emma est une palette. Emma est un paysage. C’est avec ses outils-là qu’Emma raconte, invente peut-être (mais alors de tout son cœur !) une étonnante et émouvante aventure d’enfance.
Textes : François Chanal
Mise en scène : Danièle Rétif
Jeu : Dominique Chénet
Musique : Dominique Lentin
Décor : Emmanuel Brouallier
Lumière : Serge Lattanzi
Accueil et régie : Patrice Lattanzi et Patrice De Saint-Jean
« Les yeux plissés » est un récit. La récitante en est l’héroïne. Peut-être l’invente-t-elle, cette histoire ; et dans ce cas aussi, elle en est toujours l’héroïne. Et la récitante, le personnage qui nous livre ce récit. Alors se posent deux questions, fondamentales et passionnantes. Un : avoir vécu (ou s’imaginer avoir vécu) l’aventure racontée a forcément eu une influence sur la vie (son destin ?) de celle qui la raconte. Deux : la vie de la conteuse, ainsi influencée, exerce une influence sur la manière dont elle raconte, invente ou réinvente cette histoire. Ce va-et- vient dialectique va forcément constituer la matière dont sera construit le personnage.
Que raconte-t-elle ? Elle parle de solitude, bien sûr, de naissance d’un amour d’enfance, aussi, d’émotions et d’attentes, forcément. Mais elle parle surtout d’images, c’est-à-dire d’un peu de formes et de mouvements et de beaucoup, beaucoup de couleurs et de lumière. De la manière de voir ou de ne pas voir, d’entrevoir, de deviner. Cette raconteuse d’histoire est d’abord une évocatrice d’images ; et sûrement aussi une créatrice, une productrice d’images. C’est quelqu’un qui s’interroge activement sur la manière dont on produit des images avec des mots, sur ce que ces images « disent », sur ce qu’elles produisent aussi sur qui les a vues et les voit encore. Quelqu’un qui se demande certainement aussi comment on les regarde, ces images.
Inventées ou non, ces images viennent du plus profond d’elle-même, de sa mémoire sûrement, de sa culture sans aucun doute, d’une nécessité de les faire surgir, de leur donner une forme (même si cette forme n’est que verbale, la plupart du temps). Et d’un travail qu’elle a, au fil des années, grâce au poids de la vie ou malgré lui, accompli sur elle-même. Notre personnage est une artiste, que nous verrons donc dans sa pratique d’artiste, dans un moment où elle cherche, maîtrise plus ou moins les outils et les matières qu’elle manipule, présente à elle-même ses embryons de trouvailles, les accumule ou les détruit, y porte en tout cas un regard critique.
De ces trouvailles naît son récit. Ou le contraire (et dans ce cas il ne s’agit jamais d’illustrer mais d’établir un rapport poétique entre ce qui est dit et ce qui est fait). Cela marche en fait dans les deux sens. Et il s’agit toujours de création.
Pris par sa recherche, le personnage n’oublie pas pour autant les spectateurs, invités en quelque sorte dans son atelier (importance ici de la notion d’atelier, lieu à la fois intime et ouvert, lieu privilégié de tous les possibles ou presque, lieu organisé pour que les choses puissent advenir). Avec eux elle partagera ses doutes (ses « prises de recul réflexif »), ses impatiences, sa surprise lorsque lui vient ou lui revient, sous une forme ou sous une autre, une image enfouie au plus profond de sa mémoire ou de sa sensibilité. La comédienne, de ce fait, ne portera pas une parole trop théâtralisée mais une parole intime, proche, parfois balbutiante et incertaine, souvent heureuse et vibrante.
Elle sera là, tout près.