Lecture pour deux têtes et quatre jambes
Voix : Dominique Chénet , Patrice Lattanzi
Ambiance sonore : Patrice de Saint Jean
« Les écrivains de tout temps ont été attirés par la boxe. Son charme le plus immédiat est celui du spectacle muet, dépourvu de langage, qui oblige les autres à le définir, le célébrer, le compléter. Comme toutes les actions humaines extrêmes la boxe n’excite pas seulement l’imagination de l’écrivain, mais aussi son besoin de témoigner. Avant les films et les enregistrements vidéo, ce sentiment dut être particulièrement aigu. (Imaginez un sport le plus souvent illégal, dont les matchs les plus renommés furent disputés sur des péniches, dans des îles, des territoires interdits entre les États, faisant courir aux participants et aux spectateurs le risque d’être arrêtés : quelle passion !) Sur le ring et ailleurs les boxeurs se sont souvent révélés être des personnages dans le sens littéraire du mot. Des fictions extravagantes sans structure pour les contenir ».
Joyce Carol Oates, De la boxe.
Lorsque nous regardons un peu au-delà des notions de performance ou de résultat, nous constatons que le monde du sport s’apparente bien souvent à un formidable théâtre. A travers ses protagonistes (athlètes, entraineurs, médecins, supporters, chroniqueurs…), ses espaces d’expressions (stades, gymnases, courts, parquets, rings, pistes, routes…), ses intrigues (rivalités, tricheries, dopage, montages financiers douteux…), ses drames et sa comédie, le grand spectacle du sport révèle et traduit à sa manière les traits permanents de la nature humaine. Il investit en profondeur la vie sociale, rendant tout un chacun acteur ou spectateur et nous fait osciller entre pratique, discours élogieux… ou vision désenchantée.
Le « phénomène sportif » ne pouvait donc laisser indifférents auteurs et écrivains et certains d’entre eux, toutes nationalités et domaines confondus, ont ainsi largement empruntés au sport trames, personnages, décors et sentiments. Les approches étant, comme il se doit en matière de littérature, très diverses, nous ferons le choix pour cette « mise en voix » de privilégier les paroles et les mots les plus à même d’apporter une vision atypique et inattendue de l’univers du sport… Ceux qui feront la part belle à la singularité, à la fantaisie, à l’humour, mais aussi à l’intime et à l’émotion. Et à l’instar de Joyce Carol Oates, Paul Fournel, Eduardo Galeano… nous nous efforcerons d’exprimer, à notre manière, ces fragments d’humanité fragile qui, bien que dissimulés par les muscles et la sueur du sportif, arrivent à surgir, parfois, d’un recoin de sa tête ou du fond de son cœur.